vendredi 4 décembre 2020

Chant 10 - Rue de la chaine

 



Les Nouveaux Chants du Mabinogi
- Seconde saison -
 de Christian-Edziré Déquesnes  
                                                                             
Je tiens à m’expliquer sur l’ensemble des notes à la suite des Chants. Elles viennent directement en « illustrations », nous dirons complèmentaires, du Chant 27 qui s’adressent aux Khonorins mais aussi elles valent pour tout l’ouvrage. Moi-même, je suis, un Khonorins et j’ai beaucoup découvert, appris en composant ce livre. Nous sommes tous des Khonorins car nul ne peut prétendre tout connaître mais ce n’est pas grave si humblement nous savons le reconnaître. Par contre il est particulièrement fâcheux si à l’inverse on adopte la posture de celle ou celui qui saurait tout et qu’il n’y aurait plus rien à apprendre... Pourtant des cas de figures de ce type, dans tous les domaines, nous en croisons de plus en plus souvent.
Certains à la lecture de certaines notes penserons qu’il y a moquerie, loin de moi cette idée car il s’agit juste, avec humour parfois je le reconnais, d’offrir de permettre à certains lecteurs une seconde lecture de ce livre ou juste de certains passages, à eux d’en décider.  
 
  

Chant diziéme – Rue de la chaine.

 

Des parois de ses caprices, je me décroche. Se désentraver ;

En l’au-delà du fond de son panier percé,

Mes poignets libérés des lacets du corset de la belle.

Sur les traces de Victor Hugo, Konrad Schmitt arpente fiévreux

Le chemin des remparts, près du lycée, à Montreuil sur Mer.

Je mêle ma langue à l’herbe, aux parfums des terres.

Je cogne mes souliers sur les pavés de la chaussée

Royale. Esseulé, je jure comme un vieux charretier picard ivre.  

 « Té vaù vir’ eute ghife ! In n’mi àrprindra pus !* »

Rue de la chaîne, je tire la brouette de ma vie.

La Canche se souvient d’autres rives, d’une époque

Où les puissants vaisseaux accostaient au grand port du Ponthieu.

Les voisins étaient flamands, avec leurs jeunes enfants venus d’Ostende.

Un cerf-volant en sentinelle au-dessus de la forteresse

Flottait dans les cieux printaniers engorgés de soleil, de promesses.

Des souterrains allemands rampent sous la citadelle. Des sombres niches

Creusées par l’homme, abritent une opaque obscurité froide, pesante

Combien de tristes secrets ? Dans ces silences des voix éteintes

Résonnaient la violence de notre rencontre, tel un poing serré,

Elle était dressée, tendue à la face de la

Sale grande gueule du temps. Assis sur la pierre grise

À l’entrée de l’auberge, à mes côtés, rien

Qu’une fleur jaune sur une veste anthracite abandonnée.

Puis, m’en allant, je joue de la viande crue

Dans l’échine d’une poésie récalcitrante. Je fais tâche

De vin – Pauvresse, tu forniquais déjà trop ! – sur ton business.

Bergère, j’ai hâte maintenant d’innocence en St Amand.

 

En vers arithmonynes de 10

Notes :

Victor Hugo : Ecrivain français – 1802-1885. Son œuvre est foisonnante, on lui doit notamment l’ épopée de La légende des siècles  et le roman Les Misérables.

Konrad Schmitt : Né en 1955 dans le village de Buire-le-Sec (Sud-ouest du Pas-de-Calais et proche des villes de Montreuil-sur-mer et Berck). Il est peu à peu devenu une espèce de mythe par l’œuvre qu’il a, en quelques années, produit. (littéraire, plastique, musicale). Cette œuvre est d’une originalité et puissances inouïes, dominée par la figure de l’idiot du village confronté aux épreuves existentielles et spirituelles les plus intenses. Longtemps incomprise cette œuvre a aujourd’hui trouvé ses lecteurs, qui la considèrent comme l’une des plus fortes manifestations poétiques dans le Nord et la Picardie au siècle 20. Il est l’une des figures de proue, si ce n’est pas la figure, d’une nouvelle mythologie naissante de la Grande Picardie. De Konrad Schmitt, on peut dire qu’il a brandit très haut le double étendard de la crétinerie et de la ruralité.

Montreuil sur Mer : Chef-lieu d’arrondissement du Pas-de-Calais. Victor Hugo y situe au début de son roman Les Misérables de nombreuses scènes telles celle de La Rue de Chaîne où dans une grande rue pentue et qui monte vers la Grand Place de Montreuil-sur-Mer ; Jean Valjean, de la seule force de son dos, arrête une lourde charrette qui s’étant décrochée risque d’écraser des enfants. Aux alentours de la fin des années 60’s et tout début des 70’s, un jeune groupe d’étudiants à créer le groupe des surréalistes de Montreuil-sur-Mer dont quelques temps Konrad Schmitt a été un  des principaux acteurs.   À cette époque, on pouvait dans certains bistrots de ce chef-lieu, l’entendre dire ou chanter ses textes.

* Té vaù vir’ eute ghife ! In n’mi àrprindra pus ! : En picard signifie : Tu vas voir ta gueule ! On ne m’y reprendra plus !

 La Canche : Petit fleuve qui coule au pied de Montreuil-sur-Mer.

Ostende : Ville importante de Belgique [en Flandre-Occidentale] et station balnéaire en bordure de La Mer du Nord.

Saint Amand-les-Eaux : Ville du Nord de la France, dans l’arrondissement de Valenciennes et traversée par Scarpe. Il faut surtout retenir que c’est dans cette cité, au sein de la magnifique TOUR ABBATIALE qu’a été retrouvé La Séquence de Sainte Eulalie (881) qui a été pendant très longtemps était le plus ancien texte littéraire connu écrit en langue d’oïl de l’époque carolingienne. Un examen attentif permet de constater que ces vers sont écrits en picard, ou du moins, ce qu’on pourrait nommer le proto-picard.


 

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